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Le casino de Bokor
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Cambodge
Tristes Tropiques
poste le : 24/11/2006 a 09h40

Les cheveux aux vents nous roulons a la vitesse d'une tortue au galop sur une petite route longeant le Mekong. Nous avons rendez-vous cet apres midi avec les dauphins Irrawaddy pour une partie de cache cache. En attendant ce grand moment nous profitons de la balade. Comme souvent, ce n'est pas le but a atteindre qui provoque les plus grandes emotions mais la route en elle meme, jalonnee de surprises. De belles maisons en bois sur pilotis, des enfants rieurs qui helent des hello en agitant les mains, des charettes a boeufs, des paysages de rizieres verts tendres et le grand fleuve boueux qui ne nous quitte pas depuis la Chine enchantent nos regards. A tel point que Mehdi, absorbe par le paysage, roule sans sourciller sur le serpent d'au moins 1m50 qui a la mauvaise idee de traverser devant notre roue. Quand a moi, a l'arriere du scooter, je pousse de hauts cris et me tremousse, mais pas autant que la pauvre bete qui se tord de douleur a s'en faire des noeuds.
Heureusement que Mehdi ne l'avait pas vu, avec sa phobie des serpents qui excede de loin mon degout des petites betes a 6 pattes (cafards, punaises...) nous aurions fini dans le decor.

Apres cette petite frayeur nous appareillons pour nous lancer a la recherche des dauphins perdus. Nous ne tardons pas a apercevoir la un bout de nageoire dorsale, la juste l'air expulse de leur event. Nous revons de cabrioles, de sauts perilleux comme dans le Grand Bleu mais qu'est ce que nous croyons? Ils ont autre chose a faire qu'amuser les touristes. La peche est une chose serieuse.Tant pis nous passerons quand meme un bon moment a epier la surface de l'eau la tete en mode radar, nous prennant pour Cousteau a bord de la Calypso.

Fin du reve, arrivee a Phnom Penh capitale bruyante et crasseuse, stressante avec ses moto-taxi et tuk-tuk a l'aguet des touristes, peu engageante avec ses rues mal eclairees le soir et ses maisons ornees de barbeles. Phnom Penh est a l'image d'un pays pauvre et devaste par la guerre. Celle ci n'est pas si vieille et a ravage le Cambodge.
Apres 5 ans de guerre civile,les khmers rouges prennent le pouvoir. Entre 1975 et 1979 ils aneantiront ce pays et detruiront sa population en envoyant a la mort pres de 2 millions de personnes (presque un tiers de la population). Le regime de Pol Pot a vide les villes pour envoyer le peuple aux rizieres et tout ce qui pouvait passer pour un "intellectuel" (comme par exemple les porteurs de lunettes) directement aux charniers.
Le centre de detention S21 devenu aujourd'hui memorial etait une ecole avant d'etre transformee en prison et centre de torture. Torture et maltraitance precedent toujours la "destruction" des prisonniers. Aujourd'hui on peut visiter S21 et voir sur ses murs les visages des victimes toutes photographiees au moment de leur arrivee au centre et apres. Dans les couloirs sinistres de l'ecole abandonnee, on voit parfois un panneau bien incongru: un visage souriant barre d'un trait rouge, pour rappeller aux gens distraits qu'ici il n'est pas permis de rigoler.

On ne peut s'empecher, en voyant les gens de plus de 40ans de se demander quelle etait leur vie sous les khmers rouges. Partout des anciens bourreaux et des victimes vivent ensemble et se croisent tous les jours. Si le regime khmer rouge est tombe en 1979, ils ont continue jusqu'en 1998 et meme un peu au dela a assassiner en toute impunite.
Le calme est revenu dans le pays, la vie reprend mais comment vit on quand les assassins de votre famille vivent sans etre inquiete ou bien sont juste morts de vieillesse?
Comment vit on dans un pays dirige par d'anciens Khmers rouges car toute l'elite intellectuelle a ete massacree ou bien s'est exilee?
Les touristes commencent a affluer au Cambodge pour Angkor bien sur, les plages de Sihanoukville et la vie pas chere. Nous touristes nous ne pouvons comprendre ce qu'ils ont vecu mais on ne peut s'empecher d'y penser. Enfin ce n'est peut etre pas le cas de tous le monde car nous sommes revoltes de voir trop souvent des jeunes "Hi Guys" soit completement ignorants soit completement stupides, voire les deux, se pavaner avec des tee shirts et casquettes "cool" reprennant les symboles communistes Khmer rouge.

Nous repartons vers le sud pour aller voir la mer. Le voyage est epique avec la suspension du bus qui nous lache au bout d'une heure. Des 4 heures prevues nous en mettrons 7. Heureusement que nous avons le karaoke pour nous distraire. 100% de chansons tristes avec au choix
si c'est un chanteur:un garcon pauvre qui se fait plaquer pour un gars riche (qui lui, a une voiture et pas un velo, un buffle ou bien une mob qui marche pas),
si c'est une chanteuse: une fille qui s'est fait plaquer et qui veut qu'il revienne (mais il ne revient pas) ou bien qui se fait tromper et qui courageusement met le gars a la porte (mais qui pleure beaucoup quand meme parce qu'elle l'aime encore ce cretin).

Nous logeons a Kampot, ville aux batiments coloniaux delabres, ce n'est pas encore la mer mais ca y ressemble. La ville est traversee par une riviere et la promenade qui la longe est semee de cocotiers.
Nous louons encore un scooter (fantastique moyen de locomotion) pour explorer les environs. Nous atterissons d'abord a Kep qui etait la station balneaire chic du Cambodge avant l'ere Khmer rouge. Elle parait oubliee la ville de Kep. Les villas au style 60's sont depuis longtemps abandonnees et la petite plage artificielle est deserte. Je prends mon premier bain de mer depuis la mer rouge en compagnie des fantomes. Nous partons apres le dejeuner et laissons la ville se reposer en paix apres toute l'agitation que les deux visiteurs qui viennent d'y passer ont provoque.

Au retour nous empruntons les sentiers buissoniers pour decouvrir, apres le charmant spectacle de la campagne camgodgienne, un petit temple dedie a Ganesh (le dieu hindou a tete d'elephant) bien cache dans une grotte peuplee de chauves souris. La journee se termine avec les derniers reflets du soleil couchant sur les salines de Kampot.

Pour achever ce recit empreint de tristesse par une bonne louchee de melancolie, parlons du parc National du Bokor.
Au debut du 20eme siecle, les francais ont eu cette idee folle d'aller construire, au beau milieu d'une jungle epaisse, une station de vacances avec vue sur la mer et le Vietnam. Ce lieu hautement strategique a evidemment ete investi par les khmers rouges et aura ete un de leur tous derniers bastions face a l'invasion vietnamienne qui mis a bas le regime. Il n'en reste aujourd'hui que les murs de batiments fantomes: la residence du roi, l'eglise, l'impressionnant hotel casino aux murs couverts de mousse orange qui temoignent de la grandeur passee, des ravages de la guerre et de la desolation d'aujourd'hui.

Il en reste aussi le squelette de la route d'autrefois, une des pires pistes qu'il nous est ete donne d'emprunter en 3 h de ballotage (et il y aura un deuxieme tour!) a l'arriere d'un pick up, attentifs aux trous, bosses, rochers, troncs d'arbres qui agrementent le voyage.
Heureusement le retour passera plus vite, absorbes que nous sommes par la discussion avec d'autres "tourdumondistes": Raphael et Sylvie. Discussion entrecoupee de grandes reverences mutuelles pour ne pas se ramasser de grandes claques vegetales en pleine figure. On achevera de se tanner le cuir du derriere sur le pont du rafiot qui nous ramenera par voie de mer puis de riviere, jusqu'a Kampot en slalommant entre les bateaux de peche partant au large poser leurs filets.

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