Nous quittons Karakol en abandonnant Nicolas plonge dans le moteur de sa 4L, un mecano russe au chevet de ses chevaux fatigues. Nous partons au triple galop, non sans avoir pris le temps de mettre a jour le site (tout ca pour toi Cher Public, desormais nous t'appellerons Cher Public car vous etes des millions a nous lire maintenant apres notre passage a la radio internationale France Info) pour Kochkor ou a lieu un festival de jeux a cheval. Depuis 20 ans pour moi, 5 pour Mehdi (pour une fois c’est moi qui suis en retard) nous sommes fascines par ce jeu appele Buzcachi, point de depart du roman epique de Joseph Kessel, les Cavaliers. Ici au Kirghizstan, ce jeu furieux et sanglant se nomme Ulak Tartysh ce nom venant sans doute de l'expression Oulah, tarta gueule si t'es chiche! (mdr comme dirait Guilhem, comprendront les moins de 30 ans) qui lancait sans doute le jeu dans le temps. Mais avant de vous raconter ce grand moment laissez vous bercer par le joli concert folklorique donne en l'honneur de la bande de touristes en pantalon beige a poche et foulard dans les cheveux, tous armes d'un appareil photo ou d'une camera video pour l'occasion. Car oui, Cher Public, nous ne te mentirons pas, ce festival a ete organise exclusivement pour nous les touristes, avides d'emotion fortes, de sueur et de sang. Alors, en attendant goutez avec nous ces quelques notes de chansons kirghizes. Si on fait une analyse generale des prestations de ce joyeux tele crochet nous pourrions conclure, surement a la hate, que l'oreille manque aux kirghizes. Heureusement, l'horloge tourne, il est temps maintenant de passer aux choses serieuses. Pour commencer la lutte a cheval ou les cavaliers doivent controler a la fois leur adversaire et leur chevaux, la victoire etant assuree par la force du cheval associee a la prise du cavalier. Nous assistons ensuite a plusieurs combats de lutte au sol, tout aussi impressionnante. Apres ces moments de tension, le public est mis a contribution pour affronter a la corde dans une ambiance de colonie de vacances les gentils organisateurs. Mais attention le moment fatidique se profile.
Pour vous rendre vivant et mieux vous impregner de ce spectacle cruel et splendide nous avons prefere la douceur de la rime au rugueux de la prose. Aussi voici ce poeme sans pretention sur l'Ulak Tartysh qui nous l’esperons repondra a toutes vos questions. Nous l'avons intitule Cabri, c'est fini.
Une chevre tranquille se reposait au frais
Sans se faire de bile, ni de mourrons des pres(1)
Une corde a son coup, l'empeche de gambader
Mais le soleil est haut, elle prefere ruminer.
Dans les jailoos(2) voisins, hennissent les chevaux
Des gamins tout joyeux sont perches sur leur dos
Animaux trop candides ils ne se doutent pas
Du drame, imminent qui bientot les liera.
Deja l'homme au kalpak(3) aiguise son couteau
Les fiers cavaliers montent sur leurs grands chevaux
Sur un bel ecrin vert les edelweiss(4) couronnent
L'ebene tete caprine que le boucher tronconne.
La carcasse est au centre, les montures s'elancent
Les deux equipes en lices s'affrontent avec violence
Empoignant, arrachant la bete pantelante
La poser dans le cercle et l'equipe est gagnante.
Le sang et la sueur, eclaboussent l'assistance
Qui goute avant l'heure, son plat de resistance
Plus tard sous la yourte(5), la foule rigolante
Avec du yaourt(6), baffrera l'innocente.
Moralite
Chevre, si tu te trouves, l'objet de tous les soins
Et te retrouve seule, isolee dans un coin
Mefies toi du couteau au fil bien affute
Tu risques de finir en ballon decoupe(7)
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(1)Fleur des pres
(2)Paturages, se prononce Jay Lo comme Jennifer Lopez
(3)Chapeau Kirghize
(4)Revoir le dernier Qu'est ce que c'est (news precedente)
(5)Habitation nomade circulaire faite de bois et de feutre
(6)Produit laitier comme le koumis, le Kaimak, le Kefir, les Kurtobs
(7) En plus de la tete, les pattes de la pauvre chevre sont coupees
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De retour a Kochkor dans notre 'maison d'accueil', nous n'en pouvons plus de manger du mouton. L'odeur dans la soupe est insupportable et machonner un bout de gras elastique commence a serieusement nous lasser. Donc, le lundi c'est patate, le mardi c'est patate etc. Inutile de te dire Cher Public que nous ne revons que de moussaka, de cassoulet, filets mignons voire pire (mais seulement dans les moments les plus penibles de notre vie de voyage) d'une bonne vieille boite de conserve d'haricots verts extra-fins ou de quenelles Petit-Jean, car les quenelles Petit-Jean, c'est bon mangez-en ! Memes les sublimes confitures de framboise ou d'abricot qu'on nous sert a chaque repas (c'est le seul dessert kirghize connu a ce jour) nous sortent par les yeux, on ne peut plus les voir en peinture. Bref, on se lasse. Vivement la Chine et ses plats mysterieux et imprononcables ou chaque fois que nous commanderons un truc (au hasard) on nous servira un plat inconnu, nouveau, subtil ou parfaitement degueulasse, mais au mois nous mangerons (a) varie!
Comme les plaisirs domestiques ne nous sont pas accessibles (impossible de rester glander a la maison a regarder la tele en mangeant des pizzas puisqu'il n'y a pas de tele, ni de pizza voire pas vraiment de maison), nous optons pour un nouveau trek sac a dos, la haut sur la montagne ou plus precisement vers le lac Song-Kol avec nuit sous la yourte (donc mieux qu'un 4 etoiles, car c'est sous la voute celeste complete que nous dormons). Etant de vrais billes en orientation et ne voulant pas mettre des annees avant de rentrer chez nous comme ce bon vieil Ulysse, nous nous embarquons dans cette Odyssee avec l'assistance d'un GPS local (Guide Post-Sovietique) : Azim. Il est tres sympa et nous donne quelques cours de Chinois (il se destine a etre ambassadeur en Chine, et oui tout est possible), bien sur nous n'avons rien retenu sinon sa gentillesse, la beaute des paysages et le gout du kaymac (creme de lait de jument) et c'est deja pas mal.
Au bord du lac Song-Kol nous restons deux jours en compagnie d'autres touristes dont Nicolas, Dorothee et Marie, vous l'aurez devine francais egalement. Nous irons tous les 5 menes par notre guide kirghize tres elegant avec son kalpak, sa veste de costume et ses bottes de cuir trottiner allegrement dans les monts environnants. Nos chevaux tres sympathiques au demeurant ne daigneront accelerer que pour le retour. Mais alors quelle cavalcade! Au moins aussi impressionnante que celle des Aix d'Angillon pour les connaisseurs. Mehdi tel Zorro sur un tornado gris qui serait un peu deux fois trop petit pour lui vole comme le vent sur les herbes parsemees d'Edelweiss des bords du lac tandis que moi-meme, un peu timoree reste tranquillement au pas pour faire durer le plaisir.