C'est avec un grand appetit que nous entamons notre periple culinaire chinois sur lequel nous avons mis tant d'esperance. Le soir de notre arrivee a Kachgar (ou Kashi pour les intimes), apres 12 heures de jeune sur les pistes celestes du Torugart, nous testons notre premier restaurant chinois. Faisant fi de la carte en anglais, nous commandons la meme chose que notre voisin, de loin et malgres l'obscurite ca a l'air tout a fait bien. Par mimique, la serveuse nous explique que ce plat n'est pas sur la carte, cela aurait du nous mettre la puce a l'oreille. Des cous de poulets frits au piment extra fort, c'est une des facettes de la cuisine chinoise encore non exportee en occident (et sans doute non exportable). Qu'a cela ne tienne, il reste toujours les raviolis (c'est une valeur sure), pas de bol, sans doute un cochon ouzbeke qui a fait le voyage mort et a dos de mulet fait partie de la farce. Un petit the pour faire descendre tout ca ? Et bien non, ici on vous sert l'eau du riz a la place, en prevision sans doute des problemes digestifs a venir. Cette farce chinoise ne nous fait pas rire et c'est le ventre creux que nous nous rabattons sur des soupes lyophilisees achetees au supermarche du coin.
Mis a part cette premiere deconvenue, Kashi est une ville tres agreable
melant modernite chinoise et tradition ouighour. Dans la vieille ville
autour de la mosquee Id Kah, nos yeux se regalent du spectacle qui se
joue dans les differentes echoppes, petits tableaux pittoresques. Dans
l'une d'elles nous retrouvons les chapeaux des Dupont et Dupond (cf.
la vie de chateau), ailleurs des tetes tranchees de moutons nous observent
de leurs yeux vides, un reparateur de velo cherche sa cle de 13 quelque
part dans son bordel, un menuisier menuise, les forgerons forgent, le
boucher hache et les touristes immortalisent ces scenes de la vie
quotidienne (avec plus ou moins de talent...).
En attendant dimanche et son marche, nous embrayons pour la Karakorum
Highway, route sino-pakistanaise qui serpente entre des montagnes qui
tutoient les limites. Cette route est bordee par les massifs les plus
impressionnants : Pamir, Karakorum, Hindu Kush. Nous nous arretons la
premiere nuit sur les rives du lac Kara Kul au pied des monts Kongur
(7719 m) et Muztagh-Ata (7546 m quand meme). Encore une nuit sous la
yourte kirghize, une petite minorite vit ici et accueille les touristes
dans des conditions spartiates. Transis de froid, nous sommes heureux
de deguster un bon the chaud, mais le the au lait de yack sale, c'est
pas l'extase. Ce qui l'est encore moins c'est de dormir dans les odeurs
de mouton auquel nous nous etions jures de ne plus gouter, mais notre
yourte fait aussi office de cuisine pour tout le campement. Mais ne
nous plaignons pas, au moins nous ne sommes pas vegetarien, comme nos
compagnons de route, Roberto et Chiara.
Le lendemain, nous repartons pour Tachkurgan derniere ville avant la
frontiere pakistanaise, nous sommes ici a quelques kilometres du
Tadjikistan, du Pakistan et de l'Afghanistan. Mais les populations font
fi de ces frontieres, Tachkurgan est a majorite tadjike, les visages
et les costumes sont ici completement differents de tous ceux que nous
avions vu jusque la. La langue tadjike est proche du Perse alors que les
ouighours sont turcophones comme les ouzbekes et les kirghizes. Le jour
d'apres, avec beaucoup d'apprehension nous goutons au petit dejeuner
tadjike qui se revele tres bon, malgre la trans-ethnique tasse de the
au lait de yack. Dans ces zones frontalieres les autorites sont un poil
nerveuses, ce qui a failli etre fatal a un de nos appareil photo car
pour toi cher public, nous avons eu la brillante idee de filmer un
bataillon de bidasses en treillis et chapeaux de paille en train
d'installer un fil de telephone. Heureusement pour nous, les
competences de l'officier ne se limitaient pas a vociferer dans son
talkie walkie pour nous faire arreter, mais incluaient l'utilisation
d'un appareil photo numerique. Apres avoir efface le film compromettant
pour la securite du pays (car comme chacun sait, le chapeau de paille
est une arme redoutable), il nous laissera repartir vivants mais
mortifies.
Apres toutes ces peripeties, nous retrouvons Kachgar pour le grand jour
du dimanche ou toute la contree conflue vers la ville pour le marche
aux bestiaux. Le marche aux bestiaux a Kachgar, c'est comme la tour
Eiffel a Paris ou la statue de la liberte a New York, une veritable
institution. Tout le monde le connait, enfin c'est ce que nous
croyions. Sur les bons conseils du Lonely Planet, nous partons a 6h du
matin pour eviter les groupes de touristes et vivre le marche comme de
bons ouighours. Le taxi que nous prenons parait un moment hesiter
devant nos gesticulations et belements, puis il nous conduit en dehors
de la ville a un tout petit marche desert, tout juste trois vaches
tapent la belote avec deux moutons... Sans perdre notre flegme, nous
expliquons au conducteur etourdis que ce ne peut etre le grand marche.
C'est la que nous realisons qu'il y a en fait deux marches a Kachgar :
le grand marche du dimanche et le marche aux bestiaux qui ne se
tiennent bien sur pas au meme endroit. Pour etre sur de trouver un
chauffeur competent, nous retournons a l'hotel, eux sauront surement ou
se tient ce marche aux bestiaux. La receptioniste nous tend une carte
ecrite en chinois et ouighour, ce qui doit nous eviter toute nouvelle
deconvenue. Munis de ce sesame, nous reprenons un troisieme taxi qui
nous laissera devant un mysterieux parc. Nous emettons des doutes mais
le chauffeur est sur de lui, c'est au fond du parc que se trouve le
marche aux animaux. Apres dix minutes de marche en ayant pris soin de
montrer notre carte a des passants hilares nous arrivons devant les
portes d'un zoo... Qu'ils sont farceurs ces chinois! Au moins avons
nous profite du spectacle matinal du parc envahi de joueurs de
badmington et de mamies et papis faisant du Tai shi. 4e taxi, retour a
l'hotel, nous passons par le responsable de l'agence de voyage qui nous
explique la supercherie, la traduction en chinois de notre carte est
mauvaise. Nous prenons donc un 5e chauffeur ouighour en lui faisant
preciser les indications de vive voix, il nous emmene, vous aurez fini
par le deviner, la ou nous avons commence notre journee. N'en deplaise
au Lonely Planet, le marche aux bestiaux debute a peine a 8h, il faut
sans doute attendre 10 ou 11h pour le voir en pleine activite.
Il est encore tot, mais notre journee est loin d'etre finie, se pose a
nous un autre epineux probleme. Comment quitter la ville pour rejoindre
le Nord-Est (Urumqi ou Turpan)? Nous savons qu'il n'y a pas de place de
train avant une semaine, la voiture que nous devons prendre a ete
annulee, nous partons donc plein d'espoir pour l'ultime option : le bus
couchette. A la gare routiere, apres une bonne demie heure d'attente,
on nous envoie ballader comme des malpropres, nous finirons par
comprendre que comme pour le train tous les bus sont pleins pour au
moins une semaine. C'est une veritable traquenard, nous voila bloques
pour au moins 7 jours.
Mais nous sommes aujourd'hui a Turpan a 1500 km de la, a l'oree du desert du Taklamakan. Pour savoir comment nous y sommes arrives, rendez vous bientot sur le site.