Nous suons a grosses gouttes dans le bus qui nous conduit a la frontiere sino-laotienne. Sur nos visas n'est pas mentionne la duree du sejour et nous craignons de ne nous voir accorder qu'une 15aine. Nous craignons aussi que les douaniers chinois, connus pour etre tatillons et paranoiaques ne veuillent controler nos photos sur CD (une 10aines) comme c'etait arrive a Helena, une routarde australienne rencontree au Kirghistan. C'est avec soulagement qu'ils nous laisseront passer en nous gratifiant meme d'un sourire. La main febrile, nous tendons nos passeports au douanier laotien. 30 jours! Youpi tra la la...
En route pour Luang Nam Tha, premier contraste avec la Chine, la route est
bonne, on ne se cogne plus la tete au plafond. Deuxieme contraste, la
"ville" est pleine de touristes occidentaux, les restaux et guesthouse Hi
guy's friendly pullulent, tout le monde parle un minimum d'anglais. En fait
de ville, on est plutot dans un hameau , une chiure de mouche a l'echelle
chinoise. Aucune construction laide,ca aussi ca nous change, de l'espace,
des jardins et une route principale ou on peut en 1 heure compter les
voitures sur les doigts d'une seule main, l'autre etant occupee a tenir un
banana shake. Ici c'est tranquille, no stress, pas d'eclat de voix ni de
geste trop brusque, pour eviter toute fatigue. L'air lui meme est alourdi
par la pesanteur tropicale. Dans les rues, a chaque coup d'oeil on se heurte
a l'ancienne presence francaise, beaucoup de panneaux sont ecrits dans la
langue de Moliere et l'architecture, meme si elle n'a rien d'Hausmannien,
affiche sa french touche.
On se trouve une petite et recente Guesthouse toute mimi dont le seul defaut
est de se trouver sur le territoire d'une faune sauvage. Un beau cafard nous
souhaite gentiment la bienvenue le premier soir. Ce sera le dernier car nous
ne lui laissons pas le temps de rameuter ses copains s'il s'agissait d'un
eclaireur. Un troupeau de coqs enrages ayant perdu toute notion du temps
cocoriquettent a tout va et a toute heure.
Malgre cette joyeuse ambiance
de vacances, nous avons du mal a rentrer dans le pays. On est un peu surpris
de trouver autant de touristes et surtout de Hi Guys.On est meme intimide
pour prendre des photos et nous louperons tous les cliches de la premiere
semaine. Pour la premiere fois du voyage on se fait voler un peu d'argent (5
euros, ca fait au moins 15 banana shake!) en ayant betement laisse le
portefeuille sur la table du restaurant. La tentation etait trop forte, la
serveuse se sera servie au passage. C'est dommage le restau etait
bon.
Nous faisons comme tout le monde et un jour de beau temps (enfin) nous
louons des mountains bike pour faire un ride autour de la ville. En suivant
de charmants petits sentiers bordant les rizieres, nous grimpons vers un
stupa puis nous laissons glisser jusqu'a un village Akha, apres moult
passages perilleux sur des passerelles de bambon a moitie effondrees
surplombant les eaux boueuses de petits rios. On croit etre arrives au bout
du monde dans un village oublie. Les femmes aux seins denudes portent des
coiffes noires de tissu noir cousu de piastres indochinoises, les vieilles
ressemblent a des vampires, le contour de la bouche rougie et les dents
ensanglantees par des annees de machonnage de betel. Au milieu du village
nous apercevons des potences ou sont suspendues des pieges a esprit. Nous
pensons un moment etre tombes dans un village d'anthropophages mais au lieu
de nous manger, ils nous cuisinerons (sans succes) pour nous vendre des
breloques a touriste sorties comme par magie noire de leur besace.
Deception!
Meurtris dans nos petits coeurs d'homo touristicus qui voudrait etre le
premier a penetrer dans des territoires vierges, nous prenons la decision de
sortir des sentiers rabattus et partons pour Phongsali a l'extreme nord du
Laos pour "feel the sensation of meeting the Hill's tribe" comme on dit ici
sur tout bon prospectus touristique.
Apres 10 heures de bus ce n'est plus le coeur qui nous fait souffrir vous le
devinerez bien! Pour reposer nos fessiers endoloris nous nous rendons au
seul hotel "pas glauque " de la ville: l'ancienne caserne militaire ou les
jolies fleurs du jardin mettent un peu de couleurs et sauvent la place de la
deprime complete. Apres seulement 1 journee d'isolement complet a broyer du
noir dans notre cellule nous pensons avec nostalgie a nos banana shake et
aux Hi Guys.
A Phongsali rien a faire a part des treks dans les montagnes environnantes
que couvrent la jungle la plus riche et la mieux preservee de toute l'Asie
du Sud Est. Apres avoir longtemps desesperes nous finissons par trouver un
guide sans qui nous ne serions pas sortis vivants de cette foret
inexpugnable ou pullulent les bebetes mangeuses et suceuses d'hommes. La
ballade commencera doucement sur un sentier presque carrossable puis nous
nous arreterons dejeuner dans un village Phu Noi specialise dans la
fabrication du Lao Lao vert.
Le Lao Lao c'est la gnole de l'autochtone,
la boisson nationale, le pastagas du coin. Sauf que celui la peut monter
jusqu'a 70 degres. Il est a l'image des tropiques ou les moustiques sont
pris pour des hirondelles et le cafard quand il vous tombe dessus vous tue
tout net (attention trop de Lao Lao peut nuire a la sante mentale). Notre
Qu'est ce que C'est est l'arbuste dont la feuille sert a parfumer et colorer
le Lao Lao vert.
Bizarrement apres ce dejeuner bien arrose, le chemin nous paraitra plus
difficile et surtout plus glissant (surtout pour Mehdi qui nous offrira
quelques belles figures de voltige, double lutz pique avec reception sur le
posterieur, figure autrement connue sous le nom de pirouette Surya Bonaly).
Tracant notre voie au coupe coupe nous serons assaillis par les sangsues
pour un controle du taux d'alcoolemie. Le soir apres la douche on en
retrouvera meme une jusque dans le dos de Mehdi (sans doute une sequelle de
ses nombreuses chutes).
En rentrant de la ballade nous pensons que le Lao Lao a des effets
hallucinogenes mais ce n'est pas un troupeau d'elephants roses qui descend
du bus mais une meute de mammiferes en bob ricard et bermudas. Incroyable,
jusqu'ici ils nous harcelent, un groupe Nouvelles Frontieres a debarque!
C'est la caricature du stereotype, le cliche des a priori. Le male dominant
nous aborde sans meme nous dire bonjour pour nous demander s'il y a un acces
internet (nous rappelons au lecteur que nous sommes a Phongsali). Quand a la
basse cour, elle caquette de rage car les sacs, ils sont tout casses et le
shampoing, il a tout coule. Effectivement le bus est rentre un peu fort dans
le portail de l'hotel qui etait plutot prevu pour des jeeps que pour des
cars a touristes. Nous tentons d'etablir la communication avec ces
envahisseurs, ils nous diront d'un air superieur que le lendemain ils
descendront la riviere Nam Ou comme nous mais eux en "pirogues
traditionnelles" Oh Putaing, en pirogues traditionnelles? (lire avec
l'accent du sud) nous n'en croyons pas nos oreilles! On est tout simplement
sur le fessier qui d'ailleurs risque de leur faire mal demain sur leur
petite planche traditionnelle. C'est bien simple on reste muets
d'admiration.
Le lendemain donc alors que notre gentil groupe prend son petit dejeuner
traditionnel dans la caserne nous partons prendre notre simple bus pour
trouver un simple bateau qui nous amenera le plus simplement du monde a Mung
Khua. Malheureusement nous n'avons pas le choix, pas de pirogue
traditionnelle, nous devrons nous resigner a monter dans un speed boat. Le
speed boat porte tres bien son nom. C'est une embarcation etroite qui ne
doit contenir que 6 passagers avec casque et gilet, les genoux, les dents et
les fesses serres et qui est propulse par un moteur de F1 qui arrache
litteralement l'embarcation de l'eau pour la faire presque voler comme un
galet qui ricoche, sur la riviere. Ajoutez a cela quelques rapides, un
bruit assourdissant, des passages a ras de la berge et vous comprendrez que
si Mehdi s'est bien "eclate", Constance elle ne renouvellera jamais
l'experience (voir video).
En fait de Speed boat nous arrivons apres les pirogues traditionnelles du
groupe Nouvelles Frontieres. Notre Schumi a fait plusieurs arrets au stand
dont l'un pour demonter presque integralement le moteur qui petait comme une
vieille tondeuse a gazon ou pour faire monter et descendre des passagers
largement surnumeraires. Quand aux pirogues traditionnelles ce sont des slow
boat exactement similaires aux autres vulgaires slow boat mais avec de
petits coussins et de magnifiques gilets de sauvetage orange fluo sortis
pour l'occasion. Si nous dormons la, deja casses par le voyage, eux doivent
remonter sur leurs pirogues pour encore au moins 4 heures de navigation. Le
lendemain nous aurons la joie d'avoir pour nous seuls (et quelques tonnes de
marchandises) une belle pirogue traditionnelle mais sans gilet de sauvetage
qui nous conduira au petit village de Nong Khiaw ou nous retrouvons avec
bonheur Banana Shakes et Hi Guys.